Le cyanotype – différentes méthodes

AGENDA / STAGESCatégories focus > gravure > techniques

Aux Ateliers Migrateurs, nous cherchons des moyens d’expression les plus variés , nous sommes extrêmement curieux et ouverts. Notre penchant pour les détournements nous pousse à allier plusieurs techniques, en tant qu’artistes nous pratiquons également la photo, le dessin, le collage, l’installation, des petits et de très grands formats. Cet article n’est pas exhaustif, nous brossons ici une esquisse de quelques méthodes courantes employées, ainsi qu’un historique de la technique. Crée pour nos stagiaires et pour vous, visiteurs de notre site, nous espérons que cet article vous sera utile, tout de suite ou plus tard.

Pour ceux qui ne connaissent pas :

cyanotype – le principe

Le cyanotype est un procédé ancien de photographie par contact.
Pour comprendre le procédé on peut s’intéresser à l’origine de son nom. Le terme « cyanotype » en grec ancien, nous renvoie au bleu ( kúanos ) et à l’empreinte ( túpos ).
On y emploie de ferrocyanure de potassium et … pour obtenir des images monochromes bleues. Le procédé consiste à placer un objet sur un papier sensibilisé que l’on exposera à la lumière directe du soleil pour révéler le pigment bleu de Prusse qui forme l’arrière-plan, tandis que la trace de l’objet demeure blanche.

l’intérêt du cyanotype

Quel est l’intérêt du cyanotype pour un artiste graveur ? Il hésitera sans doute un peu, d’autant plus qu’il s’agit d’une technique de photographie. Et pour un artiste photographe ? Cette technique nous offre des images plates et presque trop faciles, comment donc se l’approprier pleinement ? Mais quand ils auront essayé, il seront séduits par la richesse des matières et textures, surpris par le coté inattendu de certains résultats.
Aux ateliers Migrateurs nous aimons le mix média. À notre sens, suivre le mouvement ne sert que si on sait rapidement prendre des chemins de traverse. Au fil des étapes successives, on est vite tenté de détourner la technicité pour mettre à l’œuvre un cheminement créatif.
Nous proposons assez souvent des stages et formations en cyanotype, notamment bientôt en Charente. Vous pouvez également venir suivre une formation à Gentilly, il vous suffit de nous contacter !

Magda Moraczewska 2022 cyanotype

le cyanotype en pratique

stage de cyanotype et morsure, Gentillystage de cyanotype et morsure, Gentilly

Nous allons détailler une recette, celle qui mélange du ferricyanure de potassium, du citrate d’ammonium ferrique et de l’eau distillée. C’est la recette des produits que vous trouverez dans le commerce sous forme de kit, ou en détail sur le site Cyanographie.
Attention : d’autres recettes existent, où l’on utilise de l’acide citrique ou oxalique, du nitrate de fer et de l’ammoniaque. Vous trouverez les indications ici, et la version anglaise par Mike Ware, avec plusieurs descriptifs de techniques de photo alternatives à télécharger sur cette page.

les produits, le vocabulaire

  • ferricyanure de potassium
  • citrate d’ammonium ferrique
  • l’eau distillée
  • insolation – action des rayons ultraviolets
  • insoleuse – ces machines furent conçues pour fabriquer des circuits imprimés, les insoleuses dont se servent les artistes sont des machines munies des néons ou LED à rayons ultraviolets (UV-c). Elles sont dotées d’une pompe qui fabrique le sous-vide à la bonne adhérence du contretype à la plaque.
  • les rayons ultraviolets – partie du spectre de la lumière invisible pour l’œil humain
  • les UV-c – ceux qui nous intéressent plus particulièrement pour l’insolation de notre produit mais aussi de nos plaques en photogravure
  • dépouillement – le fait de faire partir le produit non insolé

cyanotype – le processus

Un cyanotype naît grâce à une réaction photochimique. La lumière (rayons UV) transforme les sels ferriques solubles en ferreux insolubles : partir de ferricyanure de potassium et de citrate d’ammonium ferrique se crée du ferrocyanure ferrique (un composé connu sous le nom de bleu de Prusse). Après l’insolation on doit simplement faire partir le produit non insolé, en lavant le papier à l’eau – les sels non exposés se dissolvent. L’image obtenue est un photogramme, la trace de l’objet interposé entre la lumière ultraviolette et le support, plus l’objet est proche du support, plus le rendu sera net.

Note : lorsque vous allez à la plage, si vous pratiquez le maillot de bain, sans devenir bleue, mais plutôt hallé ou rose, votre peau réagit de manière semblable que le produit cyanotype…

où trouver les ingrédients ?

Nous nous fournissons pour cela et pour pas mal d’autres produits et objet de labo ou d’atelier chez Dysactis, en ligne. Mais vous trouverez également des produits sous forme de kit dans le commerce.

les étapes pour réaliser un cyanotype

  1. préparation du produit (le mélange devient photosensible)
  2. préparation du papier à l’aide d’un pinceau-mousse ou d’un pinceau large et plat
  3. séchage du papier, à l’abri de la lumière
  4. choix des objets ou des images (négatif photo ou dessin)
  5. préparation de la composition sur un papier du même format que le papier préparé
  6. composition d’objets sur le papier préparé, à l’abri de la lumière
  7. mise sous vitre ou sous vide éventuelle des typons
  8. insolation au soleil ou sous insoleuse
  9. dépouillement : dans l’eau claire, en bougeant le bac et en changeant l’eau
  10. on peut rajouter de l’eau oxygénée pour accélérer l’apparition du bleu ou du vinaigre pour mieux chasser le produit non insolé si jamais le papier reste jaune
  11. séchage à plat sur un mur en carrelage ou une vitre par exemple

Le mélange pour cyanotype, que certaines sources appellent “encre” du fait de sa consistance aqueuse, est jaune-vert et devient bleu après avoir été exposé aux rayons ultraviolets. On garde les papiers préparés à l’abri de la lumière, dans une armoire ou une boîte fermée. Même légèrement insolé, devenu vert ou quasi bleu, le produit joue encore son rôle.

le net et le flou

Plus l’objet est proche du papier, plus le cyanotype sera net. On peut carrément préférer d’imprimer le typon à l’envers et le poser face au papier. Il est de même du dessin sur calque. Mais il est intéressant aussi de jouer avec le flou, en superposant plusieurs objets en volume. Pour les objets relativement plats, des typons (négatifs imprimées sur du transparent) ou des dessins, on préférera la solution sous verre ou vitre posée sur un carton, deux vitres tenues avec des pinces etc.

soleil ou insoleuse ?

Sachez que le rendu obtenu n’est pas pareil suivant si nous travaillons avec le soleil ou une l’insoleuse. Il faut aussi tenir compte de différents types d’insoeuses : LED, néon ou lampe de terrarium qui imite bien les effets de notre astre préféré.. La diffusion de la lumière est différente, l’effet ombre (qui sort blanche bien sûr) est plus important au soleil. Avec les LED on obtient de jolis effet d’interférence, donnant un petit quadrillage dans les endroits flous.
En été et dans les contrées ensoleillées, on s’installera facilement dehors. Avec un peu de chance et un plein soleil 5 à 15 minutes suffisent, suivant la luminosité, l’heure et la saison.
Les temps seront plus précis avec les insoleuses. A vous de tester celle que vous avez à disposition.
A vous de voir, tester et de choisir selon l’effet escompté. Sans oublier les effet du hasard, bienvenus.

astuce 1

Nous vous conseillons d’utiliser de l’eau distillée pour le mélange, mais si vous n’en avez pas, l’eau du robinet marchera aussi, le produit se gardera simplement moins longtemps. Dans tous les cas de figure, on garde les deux composants au frigo, à l’abri de lumière.

astuce 2

On garde les deux composants au frigo, à l’abri de lumière, on le sort juste avant de faire le mélange. Ne préparez pas trop de produit à la fois, une fois les deux composants mélangés, la mixture est photosensible et ne se garde pas longtemps.

aux Ateliers Migrateurs nous expérimentons quatre procédés de cyanotype

..

les objets

Nous aimons cette méthode pour son aspect ludique et à cause de sa simplicité. Hormis les plantes, jolies mais peut-être trop faciles, les petits objets qui nous entourent peuvent se révéler surprenants.

les papiers découpés

Une méthode intéressante, au rendu souvent inattendu. Nous aimons son coté aléatoire. L’effet produit par les rayons ultraviolets n’est pas toujours conforme à notre perception des transparences et opacités…

Le dessin

Cette méthode semble moins surprenante, mais les dessins peuvent se superposer, se rajouter aux objets ou à des papiers translucides et là ça devient intéressant ! Et pourquoi pas dessiner des formes avec le produit au lieu de le poser de manière uniforme ?

Magda Moraczewska - cyanotype, 2023

La photo – le négatif

Il faut utiliser un négatif, imprimé sur du transparent. L’image est à l’endroit, pas d’inversion droite-gauche. Oups ! On a oublié l’étape “passage en négatif “? On peut également se laisser surprendre…




quelle technique choisir ?

selon l’effet voulu…

Le choix est vaste lorsque l’on sait qu’il est possible de mélanger les effets. Le procédé est suffisamment rapide pour que nous puissions nous permettre plusieurs essais et effets.

selon le temps dont on dispose…

Disposer quelques objets sur une feuille de papier préparée et le tour et joué ! Mais ces mêmes objets peuvent apparaitre dans plusieurs configurations et là on ne sait plus s’arrêter !

au soleil ou avec une insoleuse ?

Les deux, mon capitaine ! Le rendu sera totalement différent. Dans le cas de l’isolation au soleil, la source lumineuse est très éloignée, alors qu’elle est très très proche sous une insoleuse. Tout dépend aussi de la nature de vos lampes, si ce sont des Led ou des néons. Vous allez par exemple tantôt avoir des ombres portées, tantôt non, et ce n’est qu’une des différences… Il faut vraiment essayer les deux méthodes.

variante : le virage

Procédé : on réalise un cyanotype, puis soudain on n’a plus envie de bleu… Que faire ? Le virage permet de changer de couleur grâce à un processus chimique, l´oxydation du fer présent dans l´émulsion. On peut plonger la feuille dans du café ou du thé ou tout autre produit contenant du tanin, comme l’extrait de la galle du chêne. Le bleu noircit, on obtient une teinte noir pourpré, mais le blanc de papier change légèrement de teinte aussi, il prend une couleur marron ou jaunâtre suivant le produit.
D’autres procédés de virage permettent de garder le papier clair.
On peut également blanchir un cyanotype à l’aide d’une solution de soude caustique, obtenant un ton rosé, puis le virer au café, ce qui le rendra marron…

astuce 3

On peut poser une deuxième couche de produit, une fois le premier cyanotype séché, on obtient deux nuances de bleu. En revanche, un retour en arrière n’est pas possible.

un peu d’histoire

Cyanotypes botaniques d’Anna Atkins, la pionnière à la pointe de la photographie au 19e siècle

Tout commence à l’aube de l’ère victorienne, autour de 1840, à Halstead, dans le Kent, lorsque le chimiste John Herschel met au point la technique du cyanotype et Anna Atkins, son amie, se lance dans l’expérimentation, dans son laboratoire à ciel ouvert… Son but : rendre compte fidèlement de tous les détails de plusieurs espèces botaniques. Entre art et science, Anna Atkins obtient une série de photogrammes en cyanotype représentant des algues et fougères. Il s’agit là des premières illustrations photographiques jamais publiés. Créant une discipline artistique totalement nouvelle, Atkins a été la première à en exploiter les applications pratiques, en lien avec la botanique et la taxonomie, mais aussi son immense potentiel artistique.

De ces recherches naissent deux ouvrages d’une remarquable rareté : Les herbiers d’Atkins British Algae (1843–1853) et Cyanotypes of British and Foreign Ferns (1853, conçu en collaboration avec son amie Anne Dixon). En tout plus de 550 impressions de cyanotypes ont été réalisées.

John Hershel, un contemporain de Henry Talbot, est l’auteur des notions positif et négatif en photographie. C’est lors de ses recherches pour introduire la couleur en photographie qu’il découvre le cyanotype.

Entre 1880 et 1900 le cyanotype fut très utilisé, pour le tirage de photographies, des plans et dessins industriels. La technique permettait une grande précision et offrait un large registre de dégradés.

Par la suite, nombreux artistes se sont intéressé au cyanotype, par exemple les américains Frances Benjamin-Johnston, une photo-réporteure, Paul Burty-Haviland ou les français Henry Rivière, peintre et graveur connu à travers ses travaux pour le cabaret / théâtre des ombres le Chat Noir, et Charles-François Jeandel, qui signe les débuts de la photographie érotique clandestine.

Pour poursuivre vos recherches, vous pouvez voir ces artistes sur le site Cyanographie, admirer les photos tirées en cyanotype de Frances Benjalmin-Johnston, les travaux de cyanotype de Henry Rivière ou de Burty-Haviland ici, découvrir les recherches de John Hershel (texte en anglais).

Rhodomenia sobolifera, Anna Atkins, Photographs of British Algae, ca. 1843–53

Vous trouverez ici les images de l’encyclopédie en question.

quelques artistes contemporains travaillant le cyanotype

Notre choix s’est porté sur ce qui n’a pas déjà été fait, sur l’inattendu et neuf. Il s’agit ici d’un choix, il n’est ni objectif ni exhaustif. En cherchant par vous-mêmes, vous trouverez aussi du végétal… Tous les travaux sont publiés avec l’aimable autorisations de leurs auteur.e.s

Pour les curieux – quelques liens vers …

Les ateliers qui pratiquent le cyanotype

Carlos Barrantes, atelier de photographie, chapitre cyanotype

forums, tutoriels

site Dans ta cuve, à propos du cyanotype et à propos du virage

Musées

Partagez
Partagez